ISOLEMENT/ISOLATION - JOUR/DAY 3
Après une première journée lors de laquelle il fallut se faire à l'idée de l'enfermement, et une deuxième consacrée au rangement de ma chambre, en bon fils de famille que je suis, pour ce troisième jour d'isolement, j'avais prévu une opération commando : aller faire des courses !

 

After a first day during which I had to get used to the idea of ​​confinement, and a second devoted to tidying up my room, like a good son that I am, for this third day of isolation, I had planned a commando operation: go shopping!

 

Mars 2020 / March 2020

J'aurais dit cela il y a encore une semaine, on m'aurait pris pour un doux dingue, mais c'est aujourd'hui devenu une réalité. Sortir de chez soi pour acheter du pain est désormais toute une aventure qu'il faut préparer minutieusement, sous peine au mieux de se prendre une amende, et au pire de tomber malade.

On ne s'aventure pas en terrain hostile la fleur au fusil, surtout lorsque la guerre contre le Covid-19 a été déclarée avec tambours et trompètes et que l'ennemi, lui, reste invisible. Franchissant le portail, je plongeai donc dans ce monde figé, les leçons de 'combat de localité' apprises lors de mon service militaire remontant à la surface de ma mémoire. Oui j'exagère un peu, je sais.

Il reste néanmoins vrai que m'aventurer dans les rues désertes de mon quartier est une expérience étrange qui permet de prendre toute la dimensions de cette chape de plomb qui recouvre la France.

Equipé de mon formulaire magique, dûment rempli, j'effectuai les quelques centaines de mètres qui me séparent du supermarché, à la fois détendu en apparence et sur mes gardes. Détendu car rien ne sert de stresser outre-mesure, il faut bien manger et se ravitailler, mais attentif à mon environnement de manière plus aigüe qu'à l'accoutumée.

Paradoxalement, à chaque fois que je croisai quelqu'un, et alors que nous nous serions allègrement ignorés en d'autres temps, nous échangeâmes un bonjour souriant et encourageant, tout en respectant les distances de sécurité qui s'imposent. Une fois dans le magasin, une politesse et un respect mutuel s'instaurèrent : Allez-y madame... non c'est à vous monsieur... je vous en prie... c'est gentil... c'est bien normal.... semblaient à nouveau faire partie du vocabulaire communautaire. Et si cela devenait une des premières conséquences positives de ce virus ? L'avenir le dira.

Je craignais un peu de me retrouver à nouveau piégé par la folie acheteuse et stockeuse de tous ces gens qui, paniqués, avaient fait le plein de tout et de rien à l'annonce imminente de la période d'isolement, mais je dois bien dire que globalement tout se passa pour le mieux et franchement je ressortis du magasin bien plus détendu que je n'y étais entré et surtout avec un sac de course bien rempli.

Sur le chemin du retour, je reprenais mes déplacements furtifs, épiant cette bête immonde comme j'aurais traqué un ennemi dangereux, regardant, en avant et en arrière, sur les côtés, ayant parfois le sentiment d'être suivi, prenant soin de faire un écart pour laisser passer un vélo ou un autre piéton. Je dois avouer que cela m'amusa un peu et je marchai en prenant de la distance avec ma propre enveloppe charnelle et en ayant l'impression d'observer un individu un peu louche ayant décidé que le chemin le plus court entre un point A et un point B n'était pas forcément la ligne droite.

Rassurez-vous, je ne suis pas devenu fou ou alors le suis-je déjà ? Je ne suis pas non plus paranoïaque au-delà de ce que la situation actuelle impose. Je pus simplement mesurer, au cours de cette opération commando, la chance que nous avons habituellement de pouvoir nous déplacer comme bon nous semble et quand cela nous convient.

Aller faire ces courses est tout ce qu'il y a de plus banal et ne demande aucun effort de réflexion si ce n'est celui de ne rien oublier sur la liste. Le faire dans les conditions imposées par le Corona Virus apporte un surcroit de contraintes qui nous fait réaliser que si nous n'y prêtons pas attention, la perte de liberté qui est la nôtre actuellement pourrait bien devenir la règle.

Sur le chemin du retour, je réalisais aussi que, malgré tout, j'avais encore la chance de pouvoir faire mes courses, ce qui, virus ou non, n'est pas donné à tout le monde et ce qui, en réel temps de guerre, est une liberté qui ne fait plus partie du vocabulaire. Je pourrais ici vous parler de ma grand-mère qui, dans les années 40, dut faire la morte sur un pont en allant faire ses courses, alors qu'elle avait été prise pour cible par l'ennemi. Elle passa de longues heures couchée sur la chaussée, attendant que la nuit tombe pour retourner chez elle. Mais ce serait trop long à vous raconter maintenant.

Finalement mon opération commando me parut bien ridicule par rapport à de telles situations. En attendant, restez chez vous autant que possible, car aussi ridicule que cela puisse paraître, il y a mieux à faire que de se faire tirer dessus par un virus.

I would have said that a week ago, I would have been taken for a fool, but today it has become a reality. Going out of your house to buy bread is now an adventure that you have to prepare carefully, otherwise you will get a fine at best, and at worst you will fall ill.

One does not venture into hostile ground as it will be a fresh and joyful battle, especially when the war against the Covid-19 was declared with drums and trumpets and that the enemy remains invisible. Crossing the portal, I started to walk into this frozen world, the lessons of 'local combat' learned during my military service rising to the surface of my memory. Yes, I'm exaggerating a bit, I know.

It remains true, however, that venturing through the deserted streets of my neighborhood is a strange experience that allowed me to take on the full dimensions of this lead blanket that covers France.

Equipped with my magic form, duly completed, I covered the few hundred meters that separate me from the supermarket, both seemingly relaxed and on my guard. Relaxed because there is no point in over-stressing, you have to eat well and refuel, but also more attentive to my environment than usual.

Paradoxically, each time I passed someone, and while we would have cheerfully ignored ourselves at other times, we exchanged a smiling and encouraging hello, while respecting the safety distances which are essential. Once in the store, politeness and mutual respect were the rule: Go ahead madam ... no it's yours sir ... You are welcome ... it's nice ... it's very normal .... again seemed to be part of the community vocabulary. What if this becomes one of the first positive consequences of this virus? The future will tell.

I was a little afraid of being trapped by the buying and storage madness of all these people who, panicked, had filled up on everything they could at the imminent announcement of the period of isolation, but I must say that overall everything went for the best and frankly I came out of the store much more relaxed than I had entered and especially with a well filled shopping bag.

On the way back, I resumed my stealthy movements, spying on this filthy beast as I would have hunted down a dangerous enemy, looking forward and backward, from the sides, sometimes having the feeling of being followed, taking care to put a gap between myself and a bicycle or an other pedestrian. I must admit that it amused me a little and I had the felling that I was taking distance with my own carnal envelope and I had the impression of observing a slightly suspicious guy having decided that the shortest path between a point A and a point B was not necessarily the straight line.

Do not worry, I have not gone crazy or am I already? Nor am I paranoid beyond what the current situation requires. I could simply measure, during this commando operation, the chance that we usually have to be able to move as we want and when it suits us.

Going grocery shopping is just a commonplace and requires no intellectual effort if not that of not forgetting anything on the list. But going to the store under the strange conditions imposed by the Corona Virus brings additional constraints which makes us realize that if we do not pay attention to it, the loss of freedom that is ours today may well become the rule.

On the way back, I also realized that despite everything, I still had the chance to be able to do my shopping, which, virus or not, is not given to everyone and which, in real war period, is a freedom that is no longer part of the vocabulary. Here I could tell you about my grandmother who, in the 1940s, had to pretend she was dead on a bridge while going shopping, when she had been targeted by the enemy. She spent long hours lying on the pavement, waiting for nightfall to return home. But it would take too long to tell you that now.

Finally my commando operation seemed to me very ridiculous compared to such situations. In the meantime, stay at home as much as possible, because as ridiculous as it sounds, there is better to do than being shot at by a virus.

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