ISOLEMENT/ISOLATION - JOUR/DAY 18
Je n'arrête pas de parler de voyages. Il faut que je vous avoue une chose pourtant. Je n’aime pas beaucoup l’avion. Aussi étrange que cela puisse paraître, j’ai toujours une certaine aversion à confier mon futur à ces monstres d’acier et de technologie. Je m’habitue, voilà tout. Je n’ai pas vraiment le choix, mais je n’aime pas cela.

 

I keep talking about travels. I must admit one thing, however. I don’t like the plane very much. As strange as it may seem, I always have a certain aversion to trust these monsters of steel and technology. I'm getting used to it, that's all. I don't really have a choice, but I don't like it.

 

Avril 2020 / April 2020

En parlant de choix, je pourrais très bien faire celui de rester pépère à la maison comme en ce moment, me direz-vous. Pourtant, malgré ma frousse, j’aime « m’envoyer en l’air » et je ne me lasse pas de découvrir le monde vu d’en haut, histoire de voir à quoi la Terre ressemble sous un angle qui gomme les frontières et au moins un peu la présence humaine. C'est mon côté masochiste et solitaire.

En fait, je déteste ne pas maîtriser ce qui se passe. Assis au fond de la carlingue, secoué par les turbulences atmosphériques, je ne contrôle pas et ça m’emmerde. Bon, ok, j’ai déjà eu quelques petites expériences "rigolotes" en avion qui ont laissé des traces. Enfin, rigolotes, sur le moment, je n'ai pas trop ri.

Je passe sur les atterrissages ratés lors desquels le pilote remet les gaz alors que les roues sont sur le point de crisser sur le tarmac et que pendant de longues minutes vous ne savez pas ce qui se passe. Je passe sur le pilote, encore lui, mais pas le même, qui annonce : "Pas de panique, mais depuis deux heures nous volions à vue, car nous n’avions plus de contact radio avec le sol. Ce n'est rien. C'est juste à cause de orages." Et effectivement depuis deux heures, l'avion était transformé à shaker à cocktail.

Je passe aussi sur l'A320 foudroyé juste avant l'atterrissage à Roissy, le pilote, encore lui, vous annonçant calmement qu’il n’y a rien à craindre, que tout va bien. Mais bien sûr, voyons ! C’était quoi alors le bang qui accompagnait l’éclair ? La foudre, le tonnerre, une bombe ? Ca ressemblait bien à une explosion pourtant. Vous êtes sûrs ? Je passe enfin, sur la dépressurisation de la cabine qui vous entraine dans une descente en flèche pour retrouver un peu de pression atmosphérique. Tout ça c’est normal, c’est « la procédure ».

Mon expérience la plus stressante remonte à quelques années, une vingtaine en fait. C'était en avril 2001 pour être exact, alors que je rentrais de Chine. J’étais parti rejoindre l'équipe de la Fédération International du Sport Universitaire (FISU) avec qui je travaillais alors. Je faisais un reportage photo et je devais rentrer seul sur une des compagnies aériennes chinoises. Pourquoi m’inquiéter ?

Tout se passa bien de l’enregistrement à l’embarquement. L’avion se mit doucement en branle pour se diriger vers la piste. Bien aligné, le pilote mit les gaz et notre 747 s’élança. Normal. Rien à dire. « Vol ‘machin bidule chouette’ à tour de contrôle, tout est en ordre ».

Après quelques minutes et alors que nous étions encore en pleine poussée maximale, je ressentis pourtant un certain malaise. Quelque chose ne tournait pas rond. L’avion était poussif, les moteurs un peu trop bruyants. Assis au hublot tribord, je me penchai pour voir ce qui clochait et là, stupeur, alors que j'étais assis légèrement en avant de l’aile, je découvris que les deux réacteurs de mon côté étaient en drapeau. C’est à dire qu’ils ne tournaient plus, ou presque plus, seulement mus par la force du vent appuyant sur les pales. Comment cela était-il possible ? Nous allions nous écraser, c’est certain.

Bon, ceux qui vous disent alors que toute votre vie défile devant vos yeux en quelques seconds se foutent de vous. Il n’y a rien qui passe, sauf de la peur et une furieuse envie de chialer et de crier : « mais laissez-moi sortir ! Je veux redescendre ! »

« Pourquoi, n’ai-je pas pris l’avion demain ? Ou bien hier ? Pourquoi l'ai-je pris tout simplement ? Pourquoi n’ont-il pas révisé ces satanés moteurs ? Et pourquoi n’y a-t-il pas un aéroport, là juste en dessous, pour se reposer immédiatement ? Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi eux, tous les autres passagers ? » A vrai dire, eux je m’en fous. Dans une telle situation, c’est sauve qui peut et là il n’y avait pas grand chose à sauver, soyons honnêtes. C’était la faute à pas de chance. Il serait écrit plus tard sur mon épitaphe : « il a pris le mauvais, tant pis. »

Evidemment, tout se termina bien, sinon je ne serai pas en train d’écrire ces lignes. Alors que nous volions « à reculons » – il n’y avait qu’à regarder les écrans d’affichage pour voir que la vitesse et l’altitude de croisière n'étaient pas en ligne de mire – une hôtesse visiblement aussi stressée que moi, vint me voir pour me dire avec son plus beau sourire effaré: « We are sorry, but we have a problem ».

Ah bon ? Vous êtes sûr ? Mais merde, faites quelque chose ! « We must go back to the airport ». Ah oui, c’est évident et c’est tellement simple. Et comment on fait pour retourner à notre point de départ si on a que deux moteurs sur quatre qui fonctionnent et qu’ils sont du même côté en plus ? On tourne en rond, jusqu’à ce qu’on s’écrase… Ahhhhhh ! Vous faites chier, j'avais encore un tas de truc à faire.

Dans ces moments là, on oublie la politesse. Désolé. Ce qui m'étonna sur le moment, dans le peu de lucidité qu'il me restait, c'était de savoir pourquoi l'hôtesse était venue me voir, moi ? Il y avait 350 passagers, tous Chinois, parlant le mandarin ou le cantonnais parfaitement et moi et moi et moi. Mais c’est à moi justement qu’on venait annoncer « nous sommes désolés, il va falloir faire une prière ». Merde !

Pendant deux heures nous tournâmes au-dessus du désert de Gobi pour vider les réservoirs. Pas très heureux d'imaginer la pluie en dessous. J’appris tout de même des choses. Un 747 est sensé pouvoir voler droit même si les moteurs ne poussent que d’un côté. Ah ! Mais il ne peut atterrir avec le plein de kérosène. Oh ! Nous atterrîmes donc finalement avec plus de peur que de mal à Pékin où nous changeâmes d’appareil.

Comme il faut toujours voir les choses du bon côté, je découvrirai par la suite, qu’étant venu dans le cadre d’une organisation officielle à Pékin, j’étais considérée par les autorités chinoises comme un 'spécial guest' et par conséquent je devais être traité en VIP. Pour le « vrai » retour, je fus donc installé en première classe, en compensation de la trouille que j’avais eue. Ouf! Dois-je dire merci ?

Tout cela pour vous dire que l’avion et moi, ce n’est pas nécessairement ça. J’aime me balader là-haut et apprécier la vue. C’est tout simplement magique de survoler le désert du Namib que j'avais déjà parcouru en 4x4 et que j'avais trouvé grandiose d'en bas. C’est ensorcelant d’observer le mouvement des glaces lors du survol de la banquise. C’est envoûtant de découvrir, s’extirpant de la pleine d’Alsace, alors que je rentre à la maison, le massif des Vosges qui surnage au-dessus d’un océan de brume. Mais c’est flippant aussi.


En attendant, #restezchezvous!

Speaking of choices, I could very well stay cushy at home, don't you think? However, despite my jitters, I like to have 'my ass up in the air' and I'm never tired of discovering the world from above, just to see what the Earth looks like from an angle that blurs the borders and at least a little human presence. It's my masochistic and lonely side.

In fact, I hate not having control over what's going on. Sitting at the bottom of the cabin, shaken by the atmospheric turbulence, I do not control and it pisses me off. Okay, well, I’ve already had a few "funny" airplane experiences that have left their mark. Funny? At the time, I did not laugh too much.

I pass on the failed landings during which the pilot takes off again at the precise moment the wheels were about to squeal on the tarmac and then for long minutes you do not know what is going on. I pass on the pilot, again him, but not the same one, who announces: "Do not panic, but for two hours we were flying by sight, because we had no more radio contact with the ground. It is nothing. It's just because of thunderstorms." And indeed for two hours, the plane had been transformed into a cocktail shaker.

I also pass on the lightning that struck the A320 just before landing at Roissy, the pilot, again him, calmly announcing that there is nothing to fear, everything is well. But of course not! What was the bang that accompanied the lightning? Just Lightning, thunder, a bomb? It looked like an explosion though. Are you sure? I finally pass, on the depressurization of the cabin which leads you in an arrow descent to find a little atmospheric pressure. All this is normal, it is "the procedure".

My most stressful experience dates back a few years, twenty in fact. It was in April 2001 to be exact, when I came back from China. I had left to join the team of the International University Sports Federation (FISU) with which I worked then. I was doing a photo report and I had to come back from Beijing alone on one of the Chinese airlines. Why worry?

Everything went smoothly from check-in to boarding. The aircraft slowly started to move towards the runway. Well aligned, the pilot took the throttle and our 747 took off. Normal. Nothing to say. "Flight XXX ready, everything is in order ".

After a few minutes and while we were still at full thrust, I felt uneasy though. Something was wrong. The plane was sluggish, the engines a little too noisy. Sitting on the right of the aircraft, I leaned over to see what was wrong and there, incredible, while I was sitting slightly in front of the wing, I discovered that the two engines on my side were not working. They were stopped, no longer turning, or almost no longer, only moved by the force of the wind pressing on the blades. How was it possible? We were going to crash, that's for sure.

Well, those who tell you that your whole life is passing before your eyes in a few seconds laugh at you. Nothing is happening except fear and a furious urge to cry and shout, "But let me out! I want to go down! "

Why didn’t I fly tomorrow? Or yesterday? Why did I just take that flight? Why didn't they check those f... engines? And why is there not an airport right there to land immediately? Why me ? Why now ? Why them, all the other passengers? To tell the truth, I didn't care. In such a situation, you become very selfish and you want to be saved first and there was not much to save, let's be honest. It was bad luck. It would be written later on my epitaph: "he took the wrong one, too bad."

Obviously everything ended well, otherwise I would not be writing these lines. As we were flying "backwards" - we only had to look at the display screens to see that the cruising speed and altitude were not in our sights - a hostess visibly as stressed as me, came to see me to say with her most beautiful scary smile: "We are sorry, but we have a problem".

Is that so ? Are you sure ? But f..., do something! "We must go back to the airport". Ah yes, it's obvious and it's so simple. And how do we go back to our starting point if we only have two engines out of four that work and they are both on the same side as well? We go around in circles, until we crash ... Ahhhhhh! You idiot, I still had a lot of stuff to do.

In these moments, one forgets politeness. Sorry. What surprised me at the time, in the little lucidity I had left, was that the hostess came to see me? There were 350 passengers, all Chinese, speaking Mandarin or Cantonese perfectly and me and me and me. But it was just me who she came to to announce "we are sorry, we will have to say a prayer". Shit !

For two hours we turned over the Gobi desert to empty the tanks. Not very happy to imagine the rain below. I still learned things. A 747 is supposed to be able to fly straight even if the engines only push to one side. Ah! But it cannot land with a full tank of kerosene. Oh ! So we ended up with more fear than harm in Beijing, where we changed plane.

As you always have to see things from the good side, I will discover later, that having been part of an official organization in Beijing, I was considered by the Chinese authorities as a 'special guest' and therefore I had to be treated as a VIP. For the "real" return, I was therefore installed in first class, in compensation for the scare I had had. Phew! Do I have to say thank you?

All of this to tell you that the plane and I are not necessarily best friends. I like to travel up there though and enjoy the view. It’s simply magical to fly over the Namib Desert that I had already traveled in a 4x4 and that I had found grandiose from below. It is bewitching to observe the movement of the ice while flying over the ice floes. It is incredible to discover, escaping from the smog of Alsace, as I come home, the Vosges, which floats above an ocean of mist. But it's scary too.

 

In the meantime, #stayathome!

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