AU PRINTEMPS, IL N'Y A PAS LE CHOIX

Lendemain de premier tour douloureux

 

Ces premiers jours du printemps sont agréables et ensoleillés. Méfiez-vous des apparences. Oui, il y a de nombreuses raisons d’être inquiet après ce premier tour d’une élection présidentielle, qui est loin d’avoir apporté toutes les réponses que l’on pouvait attendre d’un tel rendez-vous citoyen, dans un contexte globalisé que d’aucuns dénoncent, regrettent, voire combattent, mais qui est un fait. Nous ne sommes pas seuls au monde et il n’y a aucun avenir à nous refermer sur nous-même et à avoir la prétention que nous petits Français, Astérix de pacotille, pourront nous en sortir en nous regardant le nombril. C’est ma conviction et elle n’engage que moi. 

Je dirais d’ailleurs que ce premier tour soulève de nouvelles questions, dont on n’avait sans doute pas besoin. J’ai suivi, souvent avec consternation, la campagne depuis l’étranger, n’ayant passé que quelques semaines en France depuis janvier. Je dis bien avec consternation, car l’image que notre pays, qui se croit grand, a donné pendant des mois hors de ses frontières, n’est pas très reluisante. 

Pourtant, ce qui m’inquiète par dessus tout, c’est le score de l’extrême droite: 7,7 millions de voix! Ce n’est plus uniquement un vote protestataire, c’est devenu un vote d’adhésion massif et particulièrement de la part des plus jeunes qui n’ont plus honte de voter FN. Cela m’horrifie. 

Quand je constate cela, j’ai honte à ma France. Je le dis avec tout ce que cela implique. Avec tout l’impact sur l’inconscient collectif que la honte peut avoir. Je ne me reconnais pas dans ce vote extrémiste. Il ne correspond pas à l’idée que je me fais du vivre ensemble et aux valeurs que mes parents, l’école et mon parcours de vie m’ont transmises. 

 

 

Je n’ai aucune compétence pour faire une analyse politique ou économique pointue. Je ne me risquerai pas à dire si telle mesure dans tel programme est bonne ou non. Je ne le sais pas et j’en ai assez de tous ces ‘prétentieux’ qui savent tout et commentent sur tout. Pour autant cela ne m’empêche pas d’avoir des réactions humaines et voter à l’extrême droite est quelque chose dont je suis viscéralement incapable. 

On critique l’Europe, souvent à juste titre, sa bureaucratie, ses règlementations sans fin, son libéralisme… Beaucoup de choses ne fonctionnent pas et ne tiennent pas compte des plus démunis si ce n’est comme variable d’ajustement d’une stratégie économique globale. Mais s’il ne fallait retenir qu’une seule chose, je retiendrais que sans Europe, nos générations n’aurait pas connu la période de paix qui est la nôtre encore aujourd’hui. Mes grands-parents et mes parents ont été des réfugiés… pas moi, pas encore. Malheureusement pour les jeunes aujourd’hui, cela ne veut plus rien dire. Je suis devenu un vieux ‘con’… déjà. 

J’ai essayé de tenir ce discours auprès de supporters couleur bleu-marine et pour seule réponse, comme une fin de non-recevoir, je n’ai eu qu’un: mais non, arrête de nous bassiner avec l’histoire ! Je conçois, même si cela est difficile, que ma situation ‘privilégiée’, mon éducation, la chance que j’ai de voyager me font vivre dans un monde qui est décramponnné de la réalité, d’une certaine réalité. Finalement pourquoi l’histoire serait-elle si importante? Et pourquoi devons-nous sempiternellement relier tout au passé ? Parler de culture et de valeurs a bien peu d’importance quand les fins de mois sont difficiles, quand la chômage rode et quand la vague populiste et démagogue balaye tout de son discours xénophobe qui rejette en permanence la faute sur l’autre. J’ai conscience du déphasage qui est le mien avec les aspirations des moins chanceux. 

Alors évidemment, on peut critiquer le système, on peut croire au complot permanent, on peut dénoncer les politiques et leur incurie à trouver des solutions pour redresser la France. Mais que faisons-nous, nous citoyens, pour faire bouger les lignes ? Pas beaucoup finalement. Nous continuons à nous plaindre bien au chaud dans nos fauteuils et à croire que nous avons le pouvoir de changer le monde lors d’une élection présidentielle. Pour faire changer les choses, 7,7 millions de nos concitoyens pensent aujourd’hui que la solution est du côté des extrêmes.

Je ne diabolise pas ces électeurs et je respecte des idées pour ce qu’elles sont même si je ne les partage pas un seul instant. Je suis simplement triste, tout en restant utopique et rêveur. Je garde l’espoir qu’une autre société est possible. Une société ou l’invective n’est pas la règle et le respect de chacun s’inscrirait dans l’ADN de l’humanité. 

Je ne peux me résoudre à accepter que mon pays veuille tenter l’expérience de l’intolérance, du rejet et du repli sur soi et je suis choqué que certains qui se disent ‘démocrates’, d’une part, n’acceptent pas le résultat d’un premier tour d’une élection présidentielle et, d’autre part, hésitent à combattre purement et simplement une idéologie qui est basée sur le rejet de l’autre. Je suis choqué de constater que certains sont prêts à tenter l’expérience car finalement ‘ca ne peut être pire’. Eh bien si. Le pire est à l’extrême. Le rejet est à l’extrême. La négation de l’humanité est à l’extrême et toutes les tentatives de dé-diabolisation n’enlèveront rien au fait qu’il y a quelques décennies, d’autres avaient capitulé devant les extrêmes qui démocratiquement étaient arrivées au pouvoir pour le pire. 

J’espère sincèrement transmettre d’autres valeurs à mes enfants. Si mon action sociale devait se limiter à cela, transmettre des valeurs d’entraide et de respect mutuel, alors j’imagine que je pourrais me dire satisfait, à ma toute petite échelle.

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